110 ans après la loi du 9 décembre 1905, beaucoup reste à faire…
Il y a
cent dix ans, le président de la République, Emile Loubet,
proclamait la nouvelle loi sur les fondements de la laïcité et son titre 2
notamment : “ La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun
culte ”.
Ce
principe représentait une véritable révolution dans une France où l’influence
de l’Église catholique sur la vie politique était très prégnante. Mais année
après année, gouvernement après gouvernement, le discours laïque est devenu
incohérent…
Le
bénéfice de la loi de 1905, votée suite à un rapport de Jean Jaurès, est
d'avoir ouvert une période de pacification entre la République et les Églises,
en veillant, comme disait Jules Ferry, à ce que « la République s’arrête au
seuil des consciences ».
Mais
les questions de laïcité se posent aujourd’hui en des termes différents qu’il y
a plus d'un siècle. Il s’agit de faire vivre ensemble, dans une même société
ouverte au monde, plusieurs religions, et - on l’oublie souvent - de garantir
le droit fondamental de critiquer les religions, de croire ou de ne pas
croire.
Une
laïcité moderne, c’est avant tout une clarté dans le langage. C'est
aussi la réaffirmation qu’il n’est pas dans notre tradition
républicaine que des dirigeants politiques fassent étalage de leurs convictions
religieuses ou se fassent les promoteurs de cultes en se rendant par
exemple régulièrement à des réunions ou conférences organisées par les
différentes religions.
On ne
peut que regretter par exemple que Marion Maréchal Le Pen ou Christian
Estrosi se prononcent pour la présence de crèches dans des lieux
publics comme les mairies ou que la Ministre de l’Education Nationale,
Najat Vallaud-Belkacem, autorise le port du voile pour les mères
accompagnatrices d'enfants lors de sorties scolaires.
Discours
laïque d’un côté et pratiques communautaristes de l’autre : le petit jeu qui
consiste à légitimer des personnes ou des groupes religieux est un jeu
dangereux. Plutôt que segmenter les questions, il serait préférable de
procéder au vote d’une loi d’ensemble sur la laïcité, distinguant dans ses différents
articles le cas de l’école, de l’hôpital, de l’entreprise, etc.
Car si
le droit est aujourd’hui précis pour les agents des trois fonctions publiques,
qui doivent respecter une stricte neutralité religieuse, il l’est moins pour
les usagers des services publics ou pour l’utilisation que l’on peut faire de
ces services.
Le
problème essentiel du financement public
Mais
au-delà du rappel de ces quelques formules de base concernant une laïcité
claire pour tous, se pose le problème du financement par l’argent public des
religions, de leurs activités, œuvres, écoles et enseignements.
Une
étude détaillée des fonds publics au profit des religions révèle que des
sommes très importantes sont détournées chaque année au mépris des lois
laïques.
Le
gouvernement verse ainsi au titre des lois Debré-Guermeur-Rocard, en
remboursement des salaires des maîtres de l’enseignement privé, la somme de 7
milliards d’euros ! Cette somme détournée de sa mission d’origine, l’Ecole
de la République, représente l’équivalent de 200 000 postes d’enseignants
(charges comprises).
Sans
compter le crédit d’impôt qui est un coût pour l’Etat. Or cette déduction
fiscale est transférée intégralement aux différentes religions. Comment ne
pas appeler un tel avantage une aide financière de l’Etat aux églises et donc
une subvention sous une forme indirecte. On trouve ainsi des centaines
d’associations cultuelles catholiques, protestantes, musulmanes et juives qui
reçoivent des dons déductibles à hauteur de 66% de l’impôt sur le revenu des
donateurs. Il semble difficile d’admettre que cet avantage soit conforme à
l’article 19 de la loi de 1905...
De
plus, en Alsace-lorraine, le maintien du statut clérical d’exception
favorise outrageusement les cultes «reconnus» : catholicisme, luthérianisme,
calvinisme, et judaïsme. Plusieurs milliers de religieux sont payés à des
indices de la fonction publique, ce qui représente un détournement de près de
40 millions d’euros pour financer les religions.
Parallèlement
aux financements publics de l'Etat s’ajoutent des financements importants de la
part de collectivités territoriales. Des maires, des présidents de conseils
généraux ou régionaux sont souvent amenés à subventionner une ou plusieurs
religions dans le cadre de leur mandat.
Des sommes
colossales sont ainsi versées à des collèges privés pour leur
fonctionnement, à des associations catholiques pour la réfection de
cloches et de lieux de culte ou pour des travaux d’entretien et de conservation
d'édifices privés (Notre-Dame de la Garde à Marseille notamment pour près de 7
millions d’euros de fonds publics…), à des organismes de gestion et
d’associations de parents d’élèves de l’enseignement catholique (OGEC,
APEL), à des crèches Loubavitch, etc.
Le
financement à un niveau aussi élevé des religions, au premier rang desquelles
figure la religion catholique, est un véritable danger pour la République. Ce
terrain est d’autant plus glissant que l'émergence de l'islam comme deuxième
religion en France bouleverse les équilibres construits avec la loi de 1905.
A
droite, le président des républicains, Nicolas Sarkozy, a souhaité ouvrir
le débat sur une éventuelle révision de la loi de 1905, pour que l'Etat puisse
participer au financement de la construction de mosquées et apporter une réponse
au problème du manque de lieux de culte.
A
gauche, les partisans d’un financement public des religions existent aussi.
C’est ainsi que le 1er ministre Manuel Valls, est partisan d'une modification
de la loi de 1905 pour permettre un financement public de tous les lieux de
culte musulman.
La loi
du 9 décembre 1905 prévoyait qu’à partir du 1er janvier suivant la promulgation
de la loi, seraient supprimées des budgets de l'État, des départements et des
communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Aujourd’hui,
seuls quelques élus courageux, maires en général, continuent le combat laïque
et refusent toute subvention pour ne pas augmenter une fiscalité locale, déjà
très lourde et injuste car non progressive comme l’impôt sur le revenu. On
est loin de l’objectif de la loi de 1905, l’Etat étant le premier à bafouer le
principe de laïcité…
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